Baaba Maal, l’Afrique en marche… en musique

plus de 3 an(s)

Description

Au Sénégal, il est un dieu vivant. Et à l’international, un des rares artistes à dépasser le cadre des musiques du monde en privilégiant une approche travaillée. On lui a confié, il y a trois ans, la base rythmique du film «Black Panther».

Sur la route qui mène à Mbounk, à quelque 40 kilomètres du centre de Dakar, les quartiers en construction défilent, témoins du gigantesque développement de la ville. Pourtant sur place, ce village que ni Google Maps ni notre chauffeur de taxi ne connaissaient a un aspect tout à fait traditionnel et campagnard. Ici, la maison de Kaaw Baaba («oncle Baaba») est connue de tous.

A peine le portail franchi, six paons attirent notre regard circulant librement parmi les gardiens, conseillers, chargés de com qui entourent le maestro, enfermé dans son studio. Baaba Maal est en train de prêter sa voix sur l’enregistrement d’un de ses compatriotes, Seckou Keita.

 

Des racines peules

 

Vêtu d’une tunique anthracite, avec des empiècements blancs et rouges, il en ressort bientôt, portant ses 68 ans comme s’il en avait vingt de moins. Au mur du salon dans lequel nous patientons, plusieurs portraits dont celui de Bob Marley, qui rappelle que les deux musiciens se sont partagé le même producteur, Chris Blackwell, fondateur d’Island Records. C’est avec ce dernier que le chanteur sénégalais enregistre ses premiers succès dans les années 1990: BaayoLam ToroFirin’ in Fouta dans lequel figure l’hymne African Woman. Sa marque de fabrique? Mettre au diapason du monde et de la modernité ses racines traditionnelles peules.

Vingt ans plus tard, l’homme au parcours sans faute est celui à qui s’adresse le compositeur de la bande-son du film Black Panther, Ludwig Göransson, en quête d’un fil rouge africain. Les rythmes des djembés et des sabars que Baaba Maal lui présentera lors d’un voyage dans sa région natale au nord le séduiront. La plus grande partie de la rythmique de Black Panther a été enregistrée dans la maison où nous nous trouvons. Et le chant de Baaba Maal est celui qui s’élève pour accompagner le moment où le Vieux T’Chaka disparaît et où son fils doit lui succéder.

 
 

Une scène emblématique pour celui qui n’a cessé de conjuguer traditions, technologie et soutien aux siens. La voix douce, le geste ample, Baaba Maal choisit chacun de ses mots et plante régulièrement son regard dans le nôtre pour être sûr d’être bien compris.

«Il y a des années, avec Mansour Seck, mon ami de toujours, nous avons fait des recherches dans toute l’Afrique de l’Ouest, rencontré des griots, des musicologues. Maintenant, les jeunes se forment dans les grandes écoles. Ils n’ont plus le temps d’aller puiser dans l’Afrique des profondeurs. Il faudrait créer des banques de données pour qu’ils puissent composer quelque chose de moderne à partir de ces sources. L’Etat et le music business devraient s’en charger. Moi je fais ce que je peux, à mon échelle.»

Eva Diallo pour Le Temps

 

Et l’homme de rêver d’une maison de musiques, une version audio du Musée des civilisations noires, inauguré il y a trois ans à Dakar. «L’Afrique détient un réservoir de musiques incroyables. Le plus étonnant est que ces acquis culturels rejaillissent naturellement. Il suffit que les conditions soient réunies et ils réapparaissent comme quelque chose de nouveau pour le monde entier.»

En octobre 2019, lorsque la BO de Black Panther reçoit un Oscar, Baaba Maal n’est pas de la partie. Il est au Sénégal, préoccupé par un report des élections locales. Depuis le début des années 2000, il a ralenti le rythme de ses productions internationales pour mieux s’engager auprès de sa communauté. Ce qui n’empêche pas son dernier opus, The Traveller (2016), de s’imposer comme un manifeste de «fusion» réussie.

Engagement citoyen

 

Emissaire pour la jeunesse du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il est très présent à l’international. A Podor, sa ville natale, il orchestre depuis quinze ans un festival, Le Blues du fleuve. Enfin, il se mobilise contre la famine au Sahel et aujourd’hui contre les problèmes de désertification avec sa fondation, Nann-k.

Son combat, c’est l’Afrique, la même que celle que défendait Nelson Mandela dont l’image bienveillante veille elle aussi au mur. «J’ai participé à un concert à Trafalgar Square au moment de sa sortie de prison. Je me rappelle parfaitement de ses mots»: «Vous les musiciens – pas seulement les Africains mais tous les musiciens – vous devez être conscients que vos voix peuvent arriver là où les voix de nous, les politiciens, ne peuvent pas arriver. Utilisez-la pour promouvoir la paix, la cohésion sociale, l’entraide entre les peuples pour les générations futures!» Un credo que Baaba Maal défend à chaque fois qu’il écrit une chanson, qu’il monte sur scène ou qu’il mène une action.


Profil

 

1953 Naissance à Podor dans la région du Fouta-Toro, au Sénégal.

1985 Formation de son groupe Daande Lenol (La Voix du peuple).

1994 Parution du disque «Firin’ in Fouta», qui comprend le tube «African Woman».

2003 Emissaire auprès de la jeunesse du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).

2018 Participe à la bande-son du film «Black Panther» composée par Ludwig Göransson et récompensée d’un Oscar.

Elisabeth Stoudmann

 

 

 

 

 

 

°Source : T Afrique (Suisse)

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